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Stefan Zweig

1881-1942

L'âme inquiétée....

Stefan Zweig est né le 28 novembre 1881 à Vienne, en Autriche. Fils d'un riche industriel israélite, il put mener ses études en toute liberté, n'écoutant que son goût qui l'inclinait à la fois vers la littérature, la philosophie et l'histoire. L'atmosphère cosmopolite de la Vienne impériale favorisa chez le jeune Zweig la curiosité du vaste monde, curiosité qui se transforma vite en boulimie, le poussant vers toutes les premières théâtrales, toutes les nouvelles parutions non encore saluées par la critique, toutes les nouvelles formes de culture. Il y fit ses études, et, à 23 ans, fut reçu docteur en philosophie. Il fit ses débuts avec de jolis poèmes où dominait l'influence de Hofmannsthal et de Rilke, dont il parle longuement dans son autobiographie, "Le Monde d'Hier". Parmi ceux-ci, notons "Cordes d'argent"(1900) et "Les Guirlandes Précoces"(1907). Il obtint également le prix de poésie Bauernfeld, une des plus hautes distinctions littéraires de son pays. Zweig publiait alors une plaquette de vers, une traduction des meilleures poésies de Verlaine, et écrivait des nouvelles. Passionné de théâtre, il se mit bientôt à écrire des drames : "Thersite"(1907), "La Maison au bord de la mer"(1911). Mais Stefan Zweig jugeait que "la littérature n'est pas la vie", qu'elle n'est "qu'un moyen d'exaltation de la vie, un moyen d'en saisir le drame de façon plus claire et plus intelligible". Son ambition était alors "de donner à mon existence l'amplitude, la plénitude, la force et la connaissance, aussi de la lier à l'essentiel et à la profondeur des choses". En 1904, il alla à Paris, où il séjourna à plusieurs reprises et se lia d'amitié avec les écrivains de l'Abbaye, Jules Romains en particulier, avec qui, plus tard, il adapterait superbement le "Volpone", que des dizaines de milliers de Parisiens eurent la joie de voir jouer à l'Atelier, et dont le succès n'est pas encore épuisé aujourd'hui. Infatigable voyageur, toujours en quête de nouvelles cultures, il rendit ensuite visite, en Belgique, à Emile Verhaeren (1855-1916), dont il deviendrait l'ami intime, le traducteur et le biographe. Il vécut à Rome, à Florence, où il rencontra Ellen Key(1849-1926), la célèbre authoress suédoise, en Provence, en Espagne, en Afrique. Zweig visita l'Angleterre, parcourut les Etats-Unis, le Canada, Cuba, le Mexique. Il passa un an aux Indes. Ce qui ne l'empêchait pas de poursuivre ses travaux littéraires, sans efforts, pourrait-on penser, puisqu'il dit : "Malgré la meilleure volonté, je ne me rappelle pas avoir travaillé durant cette période. Mais cela est contredit par les faits, car j'ai écrit plusieurs livres, des pièces de théâtre qui ont été jouées sur presque toutes les scènes d'Allemagne et aussi à l'étranger...".

Les multiples voyages de Zweig devaient forcément développer en lui l'amour que dès son adolescence il ressentait pour les lettres étrangères, et surtout pour les lettres françaises. Cet amour, qui se transforma par la suite en un véritable culte, il le manifesta par des traductions remarquables de Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, de son ami Verhaeren, dont il fit connaître en Europe centrale les vers puissants et les pièces de théâtre, de Suarès, de Romain Rolland, sur qui il fut l'un des premiers, sinon le premier, à attirer l'attention des pays de langue allemande et qui eut sur lui une influence morale considérable. Lorsque éclata la 1ère Guerre Mondiale, Zweig, comme son ami Romain Rolland en France, ne put se résigner à sacrifier aux nationalismes déchaînés la réalité supérieure de la culture par-dessus les frontières. Ardent pacifiste, il fut profondément marqué, ulcéré par cette guerre ; non seulement, sur le coup, elle lui inspira de violentes protestations ("Jérémie", 1916), et même plus tard, comme dans "Ivresse de la Métamorphose", qui ne fut écrit que bien après, vers 1930(pour la première partie) et 1938(pour la seconde, qui elle surtout incriminait la guerre), mais c'est cette guerre qui fut à l'origine de ce souci constant de n'être pas dupe des valeurs morales factices d'une société en décadence, qu'on retrouvera dans toutes ses nouvelles. Il explique d'ailleurs tout cela avec ferveur dans "Le Monde d'Hier". Zweig fut toute sa vie un personnage socialement assez bizarre, souvent tenté par le nihilisme. Vers 1915, il se maria avec Friederike von Winternitz. Il quitta Vienne en 1919 et vint s'installer à Salzbourg, d'où il écrivit beaucoup de ses nouvelles les plus célèbres, telles "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme", "Amok", "La Confusion des Sentiments", "La Peur"... En moins de dix ans, Zweig, qui naguère n'avait considéré le travail "que comme un simple rayon de la vie, comme quelque chose de secondaire", publiait une dizaine de nouvelles - la nouvelle allemande a souvent l'importance d'un de nos romans - autant d'essais écrits en une langue puissante sur Dostoïevski, Tolstoï, Nietzsche, Freud - dont il était l'intime - Stendhal, etc... qui témoignent de la plus vaste des cultures. Puis suivit la série de ses écrits biographiques, où il acquit d'emblée une certaine autorité avec son "Fouché". Mais hélas ! Hitler et ses nazis s'étaient emparés du pouvoir en Allemagne, et les violences contre les réfractaires s'y multipliaient. Bientôt l'Autriche, déjà à demi nazifiée, serait envahie. Dès 1933, à Munich et dans d'autres villes, les livres du "juif" Zweig étaient brûlés en autodafé. Zweig voyait avec désespoir revenir les mêmes forces brutales et destructrices que lors de la 1ère Guerre Mondiale, sous la forme, pire encore, du nazisme.

En 1934, il partit en Angleterre, à Bath. Ce départ suscite d'ailleurs bien des polémiques chez les biographes de Stefan Zweig; certains soutiennent l'hypothèse très plausible qu'il partit en exil devant l'imminence de la guerre et la montée de l'antisémitisme, tandis que d'autres affirment qu'il est simplement parti approfondir sa recherche sur Marie Stuart, dont il écrivait la biographie. En 1938, il divorça de Friederike, avec qui il garda tout de même des liens d'amitié étroits. Il se remaria ensuite avec une jeune secrétaire anglaise, Charlotte Lotte Elizabeth Altmann, qui peu après tombera gravement malade. Mais depuis l'abandon de sa demeure salzbourgeoise son âme inquiète ne lui laissait plus de repos. Il parcourt de nouveau l'Amérique du Nord, se rend au Brésil, fait de courts séjours en France, en Autriche, où les nazis tourmentent sa mère qui se meurt... Et la guerre éclate !

Déjà en 1940, lorsqu'il préparait une conférence sur sa Vienne tant aimée, il avoua à Alzir Hella - ami intime, qui plus tard traduisit nombre de ses oeuvres en français - "Vous serez battus". Zweig voit répandues sur l'Europe les ténèbres épaisses qu'il appréhendait tant. Il quitte définitivement l'Angleterre et gagne les Etats-Unis, où il pense se fixer. Las ! L'inquiétude morale qui le ronge a sapé en lui toute stabilité. Le 15 août 1941, il s'embarque pour le Brésil et s'établit à Pétropolis où il espère encore trouver la paix de l'esprit. En vain. Le 22 février 1942, Stefan Zweig rédige le message d'adieu suivant :

"Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même.

Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.

Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux."

Stefan Zweig, Pétropolis, 22-2-42

Le lendemain, Stefan Zweig n'était plus. Pour se soustraire à la vie, il avait ingéré des médicaments, suicide sans brutalité qui répondait parfaitement à sa nature. Sa femme l'avait suivi dans la mort.

Biographie réalisée sur le site > wwwstefanzweig.org

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Ma rencontre avec Stefan Zweig

La découverte d'un auteur relève parfois d'une alchimie mystérieuse. Ma rencontre avec Stefan Zweig est ancienne et actuelle. Ancienne parce qu'autour de moi, dans mon adolescence, des amis portaient une admiration poétique sans limite à cet auteur contemporain certes, mais disparu, et actuelle car les retrouvailles une vingtaine d'années après furent l'occasion de me plonger corps et âme dans ses oeuvres, ses livres et biographies. Sans but, ni raison professionnelle, sinon le plaisir de connaître, avec une volonté de m'imprégner de l'ensemble de son existence, riche d'enseignements, je fus comme happé, boulimique de son oeuvre.. L'immense sensibilité de l'homme, ce "chasseur d'âmes" a dépeint avec tant de précisions les modulations des sentiments humains. Adolescent, on en perçoit l'émotion, une fusionnelle compréhension, des liens intimes; adulte on s'interroge sur cette lucidité et cette force de dépassement pour nous transmettre des pensées vraies, sans proposer de sauvetage lorsque celles-ci seraient en danger.

La légèreté de la jeunesse m'avait conduit à la lecture des nouvelles. Je ne percevais que l'histoire, pas l'homme. Le choix ne trouvais pas de règle, seulement du plaisir, de l'émotion, de la surprise, et des ressentiments que la lecture me proccurait. Zweig s'est voulu et fait écrivain avec une volonté de choisir sa vie, en s'intégrant aux esprits distingués de son temps. Pas sans tourments. Mais ni les nazis, ni l'exil, ni son adieu ne purent effacer ce grand penseur. La pérennité de son oeuvre est là, confortée depuis les rééditions et les inédits de ces dernières années "Le voyage dans le passé", "Un soupçon légitime" . La réédition de ses biographies "Fouché, Marie Antoinette, Marie Stuart et Magellan", nous montre les autres facettes du maître des nouvelles. Portraitiste historien, ou fictionnel, Stefan Zweig fut un rêveur d'un nouveau monde. Pacifiste, utopiste, européen avant l'heure, grand conférencier, il a une pensée prémonitoire sur les dangers de la politique hitlérienne dont il se défait de tout espoir, malgré ses appels dés la première guerre mondiale et après, à développer un humanisme contre la brutalité des barbares. Cette fuite, un instant salutaire n'avait pas d'issue pour Zweig. Ce fut dans ses choix, ses tourments, ses doutes, ses volontés que l'écrivain parlait de l'homme. Il n'en reste pas moins qu'il incarne "l''homo universali" et si ses ouvrages racontent la littérature du milieu du XXe, ses idées perdurent dans les justes nécessités de la lutte contre la globalisation barbare.

Jean-François Dray

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BIBLIOGRAPHIE

Printemps au Prater
Printemps au Prater est une œuvre de jeunesse courte, publiée alors que Stefan Zweig a 19ans, mais que l'auteur reniera par la suite, comme beaucoup de ses premiers écrits.
L'auteur prend ici le point de vue d'une jeune femme, et décrit ses sentiments et pensées, tout au long d'une journée et d'une soirée.

L'action se passe à Vienne, principalement au Prater, immense parc au cœur de la ville, comprenant prés et bois à perte de vue. La jeune Lise, dite Lizzie, est une courtisane d'environ vingt ans qui vit dans le luxe, l'orgueil, la futilité d'une vie mondaine à laquelle ses nombreux amants lui donnent accès.

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Ivresse de la Métamorphose

Cette œuvre, publiée à titre posthume, se déroule dans l'Autriche de l'entre-deux-guerres. La première partie, centrée sur le personnage de Christine, témoigne des réalités de l'après Première guere mondiale et se veut une satire de cette vieille Europe qui panse ses plaies. La deuxième partie, par la bouche de Ferdinand, est plus dure, plus virulente face à ce continent qui s'enfonce toujours un peu plus dans la barbarie. On sent que l'humanisme de Stefan Zweig est profondément ébranlé par les modifications de la société et la montée du fascisme.

Dans ce roman, Zweig dépeint le contraste entre la vie luxueuse d'une certaine élite et le désarroi, la pauvreté du petit peuple. Il analyse les sentiments et la complexité des rapports humains face à ces injustices, chaque personnage réclamant sa part de bonheur, sa part de vie volée par les années de guerres et les humiliations.

Dans ce contexte historique, le désespoir des personnages sonne comme celui de Zweig et la fin du roman semble annoncer le suicide de l'écrivain .

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La confusion des sentiments

Cet ouvrage n'est pas écrit sous forme de journal, mais c'est une longue évocation rétrospective : ayant reçu de ses étudiants et collègues un livre d'hommage à l'occasion de son soixantième anniversaire, un vieux professeur de philologie constate qu'il y manque une expérience vécue dans sa jeunesse, celle précisément qui fut déterminante pour sa vie entière.

Dans ce récit à la première personne, le " je " est celui de Roland, le jeune homme de 19 ans que le narrateur était à une époque désormais lointaine et qu'il s'efforce, aujourd'hui, de retrouver. L'étudiant d'alors, tout en essayant d'analyser à quoi est dû le magnétisme de son professeur de philologie, se laisse vite gagner par un sentiment passionné, où se mêlent un enthousiasme juvénile et une admiration presque filiale, et qui grandit de jour en jour jusqu'à friser l'idolâtrie.

Face à cette demande affective le professeur a un comportement tout à fait imprévisible. Tantôt il le laisse avec tendresse s'approcher de lui, parfois il le repousse avec irritation. Cette continuelle " douche froide " est ressentie par le disciple de façon très douloureuse. Elle le pousse naturellement à interpréter toutes les réactions de cet homme qui, sans conteste, est pour lui une figure paternelle. Et la conclusion à laquelle il aboutit toujours est qu'il est rejeté. L'angoisse profonde qu'il éprouve alors peut être comprise comme un mécanisme de défense contre la colère suscitée par l'injustice. Mais en même temps il aime son purgatoire. Le rapport passionné qu'il tente d'instaurer avec son " maître ", en dépit de son désespoir et de sa souffrance, se nourrit donc, en grande partie, de la fameuse Hassliebe, ce sentiment ambivalent fait d'amour et de haine, si caractéristique des adolescents. Il y a d'ailleurs quelque chose d'enfantin et de touchant dans les efforts que le jeune homme déploie pour s'identifier à un être pour qui il éprouve un désir presque fusionnel. > www.stefanzweig

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Le monde d'hier

Le monde d'hier, c'est la Vienne et l'Europe d'avant 1914, où Stefan Zweig a grandi et connu ses premiers succès d'écrivain, passionément lu, écrit et voyagé, lié amitié avec Freud et Verhaeren, Rilke et Valéry...  Un monde de stabilité où, malgré les tensions nationalistes, la liberté de l'esprit conservait toutes ses prérogatives. 

Livre nostalgique?  Assurément.  Car l'écrivain exilé qui rédige ces "souvenirs d'un Européen" a vu aussi, et nous raconte, le formidable gâchis de 1914, l'écroulement des trônes, le bouleversement des idées, puis l'écrasement d'une civilisation sous l'irrésistible poussée de l'hitlérisme.

Parsemé d'anecdotes, plein de charme et de couleurs, de drames aussi, ce tableau d'un demi-siècle de l'histoire de l'Europe résume le sens d'une vie, d'un engagement d'écrivain, d'un idéal.  C'est aussi un des livres témoignages les plus bouleversants et les plus essentiels qui puissent nos aider à comprendre le siècle passé."

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Le joueur d'échec

Prisonnier des nazis, Monsieur B., en dérobant un manuel d'échecs, a pu, à travers ce qui est devenu littéralement une folle passion, découvrir le moyen d'échapper à ses bourreaux. Libéré, il se retrouve plus tard sur un bateau où il est amené à disputer une ultime partie contre le champion Czentovic. Une partie à la fois envoûtante et dérisoire... Quand ce texte paraît à Stockholm en 1943, Stefan Zweig, désespéré par la montée et les victoires du nazisme, s'est donné la mort l'année précédente au Brésil, en compagnie de sa femme. La catastrophe des années quarante lui apparaissait comme la négation de tout son travail d'homme et d'écrivain. Le joueur d'échecs est une confession à peine déguisée de cette désespérance.

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La pitié dangereuse

La pitié dangereuse fut le seul roman de Stefan Zweig. Ecrit à la veille de la Seconde guerre mondiale, il nous présente, d'une part, le portrait d'une petite ville autrichienne en 1913, et d'une façon plus large, celui de l'Autriche toute entière peu avant la chute de l'Empire austro-hongrois, dont la capitale est encore à l'époque un carrefour de civilisations et de cultures. Il évoque aussi, et c'est ce qui compose l'intrigue principale de l'oeuvre, le cas presque pathologique d'un jeune officier Autrichien victime de sa pitié pour une jeune femme paraplégique. Ce sentiment que l'on présente habituellement comme une vertu (la miséricorde chrétienne), devient ici le rouage essentiel du drame. 

Grand ami de Freud, Stefan Zweig s'est toujours efforcé  de développer dans son oeuvre l'aspect psychanalytique des personnages et des situations, qui devient souvent ainsi l'élément essentiel de l'intrigue, au-delà de toute considération d'ordre historique. Le joueur d'échecs , par exemple, dépeint les souffrances et les traumatismes d'un homme qui, ayant été capturé par les nazis, vécut dans un isolement total, privé de tous les objets qui composent notre existence d'être humain : une table, une chaise, un livre, du papier, un stylo. La geôle dans laquelle il est maintenu devient alors un véritable terrain expérimental : privé de toutes ces choses qui contribuent à nourrir et entraîner son esprit, qu'adviendra-t-il de cet homme ? Quels changements pourrons-nous constater en lui ? 

Pour son seul et unique roman, Zweig décrit les étapes d'une autre expérience : confronter un jeune homme au coeur tendre à la misère humaine, et lui donner les moyens de la soulager, au moins partiellement, au prix du douloureux sacrifice de sa propre existence sentimentale. Quel sera le choix de notre héros ?

"Il y a deux sortes de pitié. L'une, molle et sentimentale, qui n'est en réalité que l'impatience du coeur de se débarrasser le plus vite de la pénible émotion qui vous étreint devant la souffrance d'autrui, qui n'est pas du tout la compassion, mais un mouvement instinctif de défence de l'âme contre la souffrance étrangère. Et l'autre, la seule qui compte, la pitié non sentimentale mais créatrice, qui sait ce qu'elle veut et est décidée à persévérer jusqu'à l'extrême limite des forces humaines." ( La pitié dangereuse , prologue)

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Lettre d'une inconnue

Un écrivain célèbre reçoit à son retour d'une excursion de trois jours dans la montagne une lettre d'une inconnue.
Elle habitait avec sa mère dans un petit appartement à Vienne. Un jour leurs voisins déménagent et l'écrivain prend l'appartement, la jeune fille est alors âgée de 13 ans. Elle admire les affaires que l'on apporte dans l'appartement voisin : les nombreux livres couverts de dorure, les chandeliers, les meubles... Elle attend en bas de l'immeuble et l'épie plusieurs années. Elle remarque de nombreuses femmes très élégantes qui rendent visite à l'écrivain.
Puis la mère rencontre un viennois avec qui elle part vivre à Innsbruck, elle déménage donc avec sa fille. Celle-ci ne cesse de penser à lui.
A 18 ans elle quitte Innsbruck pour retourner dans sa ville natale ; l'écrivain vit toujours à la même adresse. Elle parvient à rencontrer l'écrivain qui ne la reconnaît pas ; elle passe 3 nuits avec lui et tombe enceinte.Puis elle attend que l'écrivain la contacte ce qu'il ne fait pas, alors, comme elle veut élever son enfant dans les meilleures conditions possibles, elle sort avec des hommes riches qui tombent amoureux d'elle. Mais elle refuse leurs demandes en mariage, car elle aime toujours cet homme sans cœur, qui l'a si rapidement oubliée.
Elle va élever son fils sans même que l'auteur sache que c'est aussi le sien. Cependant l'enfant meurt de la grippe et l'inconnue sait qu'elle ne pourra pas survivre à cela, elle adresse une lettre à l'auteur pour lui révéler comment, sans qu'il en ait jamais rien su, elle a consacré et brûlé sa vie à son amour pour lui.

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Vingt-quatre heures de la vie d'une femme

Au début du siècle, une petite pension sur la Riviera . Grand émoi chez les clients de l'établissement : l'épouse d'un des pensionnaires, Mme Henriette, est partie avec un jeune homme qui pourtant n'avait passé là qu'une journée. Seul le narrateur prend la défense de cette créature sans moralité. Et il ne trouvera comme alliée qu'une vieille dame anglaise sèche et distinguée. C'est elle qui, au cours d'une longue conversation, lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez elle.

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Voyage dans le passé

L'exil, justement, c'est le sujet de cette ultime histoire. Après dix ans passés au Mexique, un jeune homme s'offre un billet retour vers Vienne pour retrouver son premier, son grand amour. Une femme, mariée, mais le souvenir d'une voix simple et d'un geste calme l'avaient guéri autrefois de son angoisse, lui, rejeton de la pauvreté crasseuse. Avant elle, sans le vernis doré de l'assurance, il se sentait bien trop miséreux pour poser ses pieds d'étudiants sur la moquette épaisse d'un appartement bourgeois. Grâce à elle, et sa tranquille bienveillance,  il connut une carrière brillante. Pourtant, leurs retrouvailles vont se briser sous les bottes d'un défilé nazi, écrasé par les roulements de tambours, en juin, dans les rues d'une ville autrichienne. Car si le couple n'a jamais échangé plus d'un baiser, l'Autriche, elle, déjà offerte, a cédé au fascisme.

Brisé une première fois par la guerre de 14-18,  cet amour platonique sera broyé par le nazisme. L'espoir anéanti par la noirceur brutale d'une deuxième guerre. Belle allégorie…

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Un soupçon légitime

Deux retraités, Betsy et son mari , mènent une existence paisible. Voilà que débarquent des voisins, John Charleston Limpley et Mrs. Limpley . John Limpley est le centre de gravitation de son entourage: un phénomène qui attire à lui toutes les masses corporelles environnantes. Jugez par vous-même…
Un homme débordant de vitalité, enthousiaste, bavard, il s'attache à vous et ne vous lâche pas d'une semelle. De surcroît, il est d'une bonté sans faille -pour mieux dire: d'une bonasserie à faire pâlir tous les candidats à la sainteté. Sympathique au cube…
Bref, John Charleston Limpley est un homme hyperactif, envahissant, «une tache de graisse»… «une mouche collante». C'est l'homme de la démesure! « In medio stat virtus »: connaît pas, jamais vu… jamais entendu parler.


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Conscience contre violence

Ce précieux document, victime des mystères de l'édition, était devenu introuvable depuis près de 50 ans ! À partir du conflit exemplaire entre Sébastien Castellion (1515-1563) et Calvin (chef d'une véritable « Gestapo des mœurs »), Stefan Zweig nous fait revivre un affrontement qui déborde de beaucoup son cadre historique. Cette cause nous concerne tous : liberté contre tutelle, humanité contre fanatisme, tolérance contre intégrisme. Tous ces mots ne font qu'exprimer le dilemme qui se pose pour chacun de nous : faut-il se prononcer pour l'humain ou le politique, pour la personnalité ou la communauté ?
Si Stefan Zweig finit de rédiger ce texte prémonitoire en 1936, en pleine montée du fascisme, il faut y voir un sens profond. En effet, comment ne pas faire le rapprochement entre la ville de Genève et l'Allemagne nazie, entre Calvin et Hitler, les sbires de Farel et les hordes hitlériennes ? Fanatisme religieux et résurgence des extrêmes droites doivent à nouveau nous ouvrir les yeux. Cet écrit polémique devient alors une charge d'une force redoutable et d'une actualité brûlante. Il s'agit d'une lecture de première urgence dans un contexte historique aux similitudes troublantes avec l'époque la plus tragique de l'histoire de l'humanité.

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