Romain Gary 1914 -1980 Une écriture pour survivre de tout...ou presque ! Romain Gary, de son vrai nom Kacew, est né en 1914 à Vilnius alors russe. Il vit à Moscou jusqu'en 1921, puis en Pologne, à Wilno, puis Varsovie. En 1927, il arrive à 13 ans en France avec sa mère, à Nice au contact de la communauté russe exilée. Il raconte cette partie de sa vie dans "La Promesse de l'aube". Son enfance est celle d'un enfant protégé par sa mère qui le façonne et l'encourage à être un homme à la hauteur des grands événements, " Tu seras Ambasadeur mon fils ! " voire un sauveur de l'humanité (1). Après une scolarité, où il cherche en permanence mais maladoitement son avenir, il obtient son baccalauréat. Il quittera Nice et sa mère pour Aix-en-Provence, puis pour Paris, un an après, pensant qu'il ferait de meilleures études de Droit dans la Capitale. Ce fut surtout ses débuts dans le monde de l'édition, entachés d'usurpations, par trop juvéniles, mais pour toujours faire plaisir à sa mère. Licencié en droit, en 1938, il fait son service militaire dans l'aviation. Après l'armistice du 22 juin 1940, il rejoint les Forces Françaises Libres à Londres où il intègre l'escadrille Lorraine. Tchad, Abyssinie, Libye, Syrie, il termine la guerre avec le grade de Commandant et publie en 1945 "l'Education Européenne", qui reçoit le Prix des critiques et épouse à Londres, la même année Lesley Blanch. Compagnon de la Libération, il entre dans la diplomatie et occupe divers postes de Secrétaire, Conseiller d'Ambassade, puis Porte-parole à l'O.N.U. avant de devenir en 1956, Consul Général de France à Los Angeles. Il reçoit deux fois le Prix Goncourt, une première fois pour "Les Racines du ciel", en 1956, une seconde fois, cas unique, sous le pseudonyme de Emile Ajar en 1975, pour "La vie devant soi". En 1962, il épouse la comédienne Jean Seberg dont il se sépare en 1970 après avoir divorcé de sa première femme. En 1962, il tourne comme auteur réalisateur "Les oiseaux vont mourir au Pérou", et en 1972, Kill. En 1965, il publie "Pour Sganarelle", Recherche d'un personnage dans lequel il développe ses conceptions de la littérature. Entre espoir et désespoir, dans une vision qui fait toujours place à un humour grinçant, Romain Gary nous donne une vision de notre monde, souvent très en avance sur son époque. Son approbation pour le programme de la Résistance de 1945, ses engagements, sa fidélité, sa personnalité, ses succès littéraires conduisirent Romain Gary à la consécration. Toutefois après les années 60 et tout particulièrement après 68, les publics, plus jeunes se tournent vers des auteurs plus en vogue. Lui est d'avant, avec l'ombre du Général de Gaulle, grand serviteur de l'honneur de la France, idée qu'il partage dans ses romans sur la guerre. Il restera pourtant prolixe jusqu'en 1980, assurant une continuïté pour ses lecteurs avertis. Après le décès de Jean Seberg, la mère de son fils, en 1979, bien qu'il dise dans son dernier message " rien avoir avec Jean Seberg" Romain Gary se donne la mort le 2 décembre 1980 dans la chambre de son grand appartement de la rue du Bac à Paris, laissant à son fils alexandre Diego Gary, déjà meurtri par le décès de sa mère, une seconde blessure douloureuse. (1)" Evidemment dans votre quarantaine, il est un peu naïf de croire à tout ce que votre mère vous a dit, mais je ne peux pas m'en empêcher. je n'ai pas réussi à redresser le monde, à vaincre la bêtise et la méchanceté, à rendre la dignité et la justice aux hommes...! La promesse de l'aube
Citations
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"Je me sens inventé, imaginé, pensé par un tout autre personnage que moi même..." ( Europa 1972 )
"Au delà des limites ... Je me souviens encore le jour où je découvris pour la première fois Romain Gary. Ces premières fois ne gardent-t-elles pas une saveur particulière dont on n'en comprend les raisons que par la suite. Les rencontres avec les écrivains sont faites de hasard, de coïncidences. Certains s'impliqueront dans votre propre vie, influençant réflexions et décisions. Mentor du papier encré, il s'immiscent dans l'encre, puis les mots, qui s'inscrivent dans nos cerveaux comme autant de paroles échangées avec l'auteur. C'est ma passion pour les biographies d'auteurs et en particulier celles de Dominique Bona, dont le premier roman "Argentina" en 1984 fut un premier ticket pour un voyage vers le nouveau monde en 1919. Suivra en 1987, la biographie de Romain Gary puis Gala Dali, Clara Malraux, Stéfan Zweig. On peux penser qu'il n'est pas prudent de lire la biographie avant la bibliographie mais dans le cas de Romain Gary, la tentation de le découvrir s'imposait sans limite... Ce que je fis. Une à une, je retrouvais des éditions, parfois originales, pour mon grand plaisir, et conservant l'ordre des parutions, je reconstruisais le temps pour conquérir son monde avant de l'accompagner dans les décennies qui nous furent communes, jusqu'au grand succès de 1975 avec le prix Goncourt pour " La Vie devant soi" sous la signature d'Emile Ajar, alias Romain Gary. Grande bleufferie qui durant 8 ans le mettait au delà des limites... La lecture de ses trois éditions d'avant 1940, "L'orage, Une petite femme, Le vin des morts" restant inabordables, je devrais encore attendre pour terminer l'oeuvre complète de Romain Gary. "Le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres." Cette célèbre citation de Romain Gary est issue de l' Education européenne. Cet ouvrage fait partie de ceux que l'on lit d'une traite. Sa lecture est une expérience, un voyage qui nous pousse à des questions et réflexions. Sa mère cherchait la voie pour son fils unique. Son déterminisme, son obsession, sa folie intérieure, ses exigences grandiloquentes ont ouvert les voies à Romain Gary pour se dépasser lui-même. Cette exigence maternelle fut une nourriture spirituelle pour s'engager dans l'écriture et pour nous offrir une leçon de vie. Cette immersion dans les 34 romans de l'oeuvre de Romain Gary est un Tour du monde, un Voyage extraordinaire, l'Ascension d'un 8000, une descente dans les Abysses sacrées, Un Monde sans limites.. même au delà de la mort.. Si vous me demandez quel est le livre que je préfére : peut être "L'homme à la colombe" pour son champ surréaliste, humaniste, créatif, mais par réalisme, le chant de l'espoir et l'écriture puissante d' "Europa". Mais surtout, tous les autres, qui m'ont apporté tous les plaisirs de l'écriture aboutie. Jean-François Dray |
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Education Européenne Romain Gary écrit ce livre dans le feu des combats de 1944. La vie tenait fébrilement, au rythme des missions de bombardement sur l'Allemagne. Les raisons de ce livre est au coeur du livre lui même : écrire pour survivre. « Éducation européenne, pour lui, ce sont les bombes, les massacres, les otages fusillés, les hommes obligés de vivre dans des trous, comme des bêtes … Mais moi, je relève le défi. On peut me dire tant qu'on voudra que la liberté, l'honneur d'être un homme, tout ça, enfin, c'est seulement un conte de nourrice, un conte de fées pour lequel on se fait tuer. La vérité c'est qu'il y a des moments dans l'histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l'homme de désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d'une cachette, d'un refuge. Ce refuge, parfois, c'est seulement une chanson, un poème, un livre. Je voudrais que mon livre soit un de ces refuges, qu'en l'ouvrant, après la guerre, quand tout sera fini, les hommes retrouvent leur bien intact, qu'ils sachent qu'on a pu nous forcer à vivre comme des bêtes, mais qu'on n'a pas pu nous forcer à désespérer. »
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Le grand vestiaire Romain Gary écrit toujours sur les braises chaudes. Sa lucidité sur le monde extérieur du moment l'entraîne à voir l'intérieur des hommes. Nous sommes en 1945. La guerre est finie. Luc, dont le père a été tué dans le maquis, est recueilli à Paris par le vieux Vanderputte qui héberge déjà chez lui deux autres adolescents, Léonce et Josette. Sous la direction de ce vieux sage sceptique et torturé par d'obscurs remords, tout le monde se livre au marché noir et mène une vie extravagante. Luc s'éprend de Josette. Ils se font voleurs, comme dans les films. Finalement, pour Luc, le monde devient «un immense vestiaire plein de défroques aux manches vides, d'où aucune main fraternelle ne se tendait.»
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Les racines du ciel Les leçons de la guerre de 1945 fraichement finie ne servent pas. Les massacres continuent.. façon extrapolation... Romain Gary choisit de développer sa métaphore dans le flot d'une aventure africaine dont les valeurs humaines exposées viennent des vécus des personnages durant la lutte contre le nazisme. Le héros, décide de faire cesser l'extermination des éléphants en Afrique au milieu du XX e siècle. Or, en AEF ( Afrique-Équatoriale française ), pas encore indépendante, l'idée d'indépendance commence à prendre forme ici et là. L'histoire raconte la lutte de Morel, ses "coups" en faveur des éléphants, la traque dont il est l'objet de la part des autorités, et, en parallèle, les conflits d'intérêt entre les engagements des uns et des autres : pour les éléphants, pour l'indépendance, pour la Puissance coloniale, pour la sauvegarde des traditions, pour la marche en avant de l'homme vers la modernité, pour l'intérêt à court terme, pour l'honneur de l'homme. Un plaidoyer avant l'heure pour une Afrique libre et émancipée
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La promesse de l'aube L'autobiographie de Romain Gary fait exulter sa passion pour sa mère. cette mère qui a mis son propre avenir dans cet enfant, son enfant, dès ses premiers pas. Il lui est redevable de cet acharnement pour que la vie soit généreuxse et que des miracles apportent de grandes perspectives ou du bonheur momentané. Il n'a rien oublié et à 40 ans lorsqu'il écrit cette biographie, c'est de sa mère toute entière dont il fait le portrait. Il saura par le truchement de son écriture et de la narration clarifier cette relation fusionnelle. Ses caps, sa confrontation à la réalité, son endurcissement à l'effort intellectuel étaient sa nourriture spirituelle pour traverser les épisodes de sa vie. Une philosophie des grandes idées qui sont les fondations des esprits brillants.
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Lady L "Ce n'est jamais lorsqu'ils enlèvent leur culotte que les hommes font du mal...C'est la morale bourgeoise, ça. Non, pour leurs vraies saloperies, les gens s'habillent. Ils se mettent même en uniforme, ou en jaquette. Personne n'a jamais fait grand mal le cul nu..". Ce roman plein de surprises et d' humour, est une critique de la société britannique au temps de la reine Victoria, de la lutte des classes, avec portraits d'un côté des révolutionnaires anarchistes et de l'autre des aristocrates.
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Europa Ecrit en 1972, époque dans lequel le libéralisme n'avait pas encore semé malheur, chômage et haines, Europa est certainement le livre le plus important, le plus différent de Romain Gary, le plus dense et celui dans lequel ceux qui s'attachent à lui, paradoxalement, le reconnaissent le plus. A chaque page quelque chose nous renvoie ailleurs, à l'essentiel de Romain Gary, à ses fêlures comme à celles de l'Europe, cette Europe "d'Education européenne", "Des racines du ciel "... des réflexions inscrites dans ses fondations intellectuelles.
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Au delà de cette limite votre billet n'est plus valable Ecrit en 1975, le choix de ce thème tabou à l'époque de la libération sexuelle et du féminisme actif, qui a soulevé un débat passionné a connu un grand retentissement. À la suite des confidences angoissées d'un ami obsédé par le mythe de la virilité, la peur du déclin sexuel s'insinue en lui, l'envahit, le détruit, ne le quitte plus. Mais son livre cru et dur, dominé par un humour amer, reste aussi un roman d'amour plein de tendresse, autant qu'une interrogation sur la raison pour Romain Gary d'aborder ce sujet.
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L'homme à la colombe Publié sous le pseudonyme de Fosco Sinibaldi en 1958,dévoué avec passion à l'idéal des Nations Unies, un jeune homme vit avec sa colombe dans une pièce secrète du building, et observe cette conscience du monde. Il s'aperçoit vite que l'O.N.U. est une machine qu'aucun moteur n'entraîne. L'homme à la colombe dénonce avec férocité la corruption et la lenteur d'action de l'O.N.U (Gary y occupait à l'époque des fonctions diplomatiques, ce qui explique l'emploi d'un pseudonyme). Bien que caricaturale, l'histoire fait réfléchir : un fantôme portant une colombe hante les couloirs de l'Organisation à New York. "l'ONU, c'est le viol permanent d'un grand rêve humain, ses grattes ciel, le signe poli d'une civilisation qui soigne son extérieur" Romain Gary
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Les cerfs-volants 1980-Ce dernier livre retrouve les ingrédients d'"'Education européenne". Dans la tourmente de la guerre, en France, en province, usant d'un artifice littéraire fantastique, à la limite du crédible, propre à l'imagination de sa mère, Romain Gary au travers de l'amour, de l'insoumission, de la persévérance, de la fidélité, de l'honneur, fera traverser les épreuves à Ludo, le narrateur, qui sera toujours soutenu par l'image des grands cerfs-volants, leur symbole d'audace, de poésie et de liberté inscrit dans le ciel.
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Gros-Câlin ( Emile Ajar ) Le python est une abstraction. Une métaphore, si on veut. Mais surtout une abstraction. Une abstraction tangible, encombrante et sauvage – il faut le nourrir de souris vivantes –, civilisationnellement signifiante. Un serpent. Une bête à peu près unilatéralement reconnue comme répugnante. Mais « les pythons ne sont pas vraiment une espèce animale, c'est une prise de conscience ». De quoi faut-il prendre conscience ? Qu'il ne suffit pas d'être au monde pour être né, que pour naître il faut quelqu'un à aimer, et que « quand on a attendu l'amour toute sa vie, on n'est pas du tout préparé ». Et donc, le python. Car un être entouré de dix millions de personnes dans le Grand Paris n'est qu'un « bifteck ». C'est l'amour qui fai tle dire à Cousin, alors qu'il vient de prendre l'ascenseur avec Mlle Dreyfus, et que, ô miracle, il y a eu entre eux deux un semblant de conversation....
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La vie devant soi Chez madame Rosa, il y a Moïse, Banania et Mohamed, dit Momo. Des fils de putes laissés à ses soins, des clandestins du monde qui grandissent à la va-comme-je-te-pousse dans les bras rêches de la vieille, elle-même rangée des trottoirs. Madame Rosa perd la boule et la santé. Momo regarde cette vie qui s'écoule d'elle, en filets sournois. La vie devant soi, écrit sous le pseudonyme d'Emile Ajar recevra le prix Goncourt 1975. L'adaptation cinématographique encensera ce texte tout comme son auteur, jeune inconnu avec juste Gros-Câlin au compteur, dont Romain Gary dévoilera le vrai nom qu'en 1980 dans son ouvrage posthume " la vraie vie d'Emile Ajar". |